Face à la pénurie annoncée de professeurs à la rentrée 2022, Pap Ndiaye propose un système de compensations des heures entre collègues qui a suscité l’opposition des syndicats.
[Mise à jour du 27 juin 2022 à 16h22]. A la rentrée de septembre, le nombre d’enseignants manquants devrait être criant. Publiés la semaine dernière, les résultats d’admission au Concours de recrutement de professeurs des écoles (CRPE) révèlent, en effet, qu’il y a moins d’admis que de postes : selon Libération, il manque 11 professeurs des écoles dans l’académie de Grenoble, 14 dans celle de Nancy-Metz, 62 à Paris, 660 à Créteil et 1 006 à Versailles. La situation n’est pas plus reluisante au lycée car 102 candidats au Capes de sciences économiques et sociales ont été retenus pour 121 postes disponibles. Et les résultats des Capes de mathématiques ne devraient pas être meilleurs… Face à ce manque inquiétant, Pap Ndiaye a proposé ce 25 juin un système de compensations des heures entre collègues. « Nous voulons faire en sorte qu’une absence du professeur d’histoire-géographie par exemple soit compensée par, disons, son collègue de français. Mais attention, pas pour que le professeur de français fasse de l’histoire-géographie ! Il utilisera ces heures pour faire une double dose de français, et quand le collègue d’histoire-géo reviendra, il compensera en prenant sur les heures de français« , a expliqué le ministre de l’Education nationale dans le Parisien. Une proposition qui ne convainc pas du tout les syndicats comme le SNUEP-FSU, qui représente les professeurs de l’enseignement professionnel public, qui aimerait que l’Education nationale recrute plutôt que de surcharger les professeurs en poste.
Le concours d’enseignants manque de candidats
Si tous les candidats aux concours classiques n’ont pas été retenus pour devenir professeur ou enseignant, encore faut-il que le métier suscite encore des ambitions de carrière. Et face au manque d’attractivité du professorat, la baisse du nombre de postulants aux concours de l’enseignement est criant, preuve que le métier attire beaucoup moins la jeune génération. Le Capes externe de mathématiques qui compte 1035 postes n’a reçu que 816 candidats en 2022 contre 1 706 admissibles l’année précédente. Du côté des profs d’allemand, on compte 83 admissibles pour 215 postes, soit la moitié par rapport à 2021. Les concours sont donc loin de faire le plein, et l’approche de la rentrée scolaire fait craindre un manque d’enseignants. Une crise de vocation qu’il est urgent de pallier pour certaines académies, qui passent désormais par des méthodes de recrutement à mille lieues du protocole institutionnel.
Job dating pour devenir prof : l’académie de Versailles crée la polémique
Les enseignants ayant suivi des études supérieures et passé des concours pour devenir enseignant ou professeur des écoles se retrouvent face à de nouveaux collègues, avec un profil bien moins protocolaire. Leur poste ? Ils l’auront obtenu avec un seul entretien de 30 minutes, lors d’un job dating organisé par l’académie de Versailles. La condition : prouver l’obtention d’un bac +3, soit deux ans de moins que selon les règles officielles qui exigent un master 2. La gauche et les syndicats enseignants n’ont pas manqué de réagir face à cette sélection nonchalante, exprimant vivement leur désaccord. Sur son compte Twitter, le SNES-FSU y voit une manière de contribuer à « précariser toujours plus nos métiers et à brader le service public » et exige une « revalorisation sans contreparties et non ce pitoyable écran de fumée ». De même, les parents d’élèves du groupe de parents « Écoles et Familles oubliées » se sont insurgés contre cette méthode de casting, « Indignés et en colère« , ils interpellent directement la nouvelle Première Ministre Elisabeth Born et le ministre de l’Education Pap Ndiaye via leur compte Twitter, sur l’habilitation de cet embauchage.
Si l’idée d’un seul entretien de 30 minutes pour devenir prof suscite un tollé médiatique, celui-ci est assorti d’ autres conditions… qui semblent néanmoins peu exigeantes. Outre la preuve d’un bac +3, l’Académie de Versailles, contactée par le Journal des Femmes, précise que pour devenir professeur des écoles, une étude de dossier est aussi menée suite au job dating, réalisé par deux inspecteurs. Une réponse est ensuite donnée au candidat dans les quinze jours maximum suivant l’entretien. Quant à l’obtention d’un poste de professeur dans le second degré, « un entretien avec un inspecteur et un chef d’établissement ou personnel RH est réalisé. Si un avis favorable est donné, alors un second entretien avec un inspecteur de la discipline est proposé au candidat » nous précise l’académie de Versailles.
En quoi consiste le libre-recrutement des professeurs ?
A Marseille, où s’est rendu le 2 juin 2022 le ministre de l’Education nationale Pap Ndiaye, c’est le libre-recrutement des professeurs par les établissements eux-mêmes qui est expérimenté. Là encore, cette méthode de recrutement ne convainc guère. La CGT Éduc’Action y voit une manière d’opacifier tout un système en favorisant le clientélisme, et de territorialiser l’école. De fait, les communes les plus riches pourraient se payer les meilleurs profs, entraînant inégalités scolaires et sociales.
Seuls 22% des enseignants recommanderaient leur métier à un jeune
Fatigue, colère, déprime, résignation, isolement… Voici les termes qui ressortent lorsque les enseignants abordent leur métier et leur état d’esprit. Après plusieurs années ponctuées par le Covid-19, les professeurs ont dû tant bien que mal s’adapter aux différents protocoles sanitaires, sans ressentir de véritable reconnaissance et de respect dans leur pratique professionnelle. Selon une étude publiée ce 23 mai et menée par le syndicat Unsa Education auprès de 42 836 enseignants, seulement 22% d’entre eux recommanderaient leur métier à un jeune. Mais cela ne signifie pas qu’ils n’apprécient pas leur métier : ils sont en effet 92% à aimer la profession. Pour autant, « 29% ne trouvent plus de sens à leur mission, et 38% se disent prêts à changer de métier vers le public, et 29% vers le privé » précise l’étude. Ce qu’il faudrait améliorer selon eux ? Le pouvoir d’achat pour 68% des sondés, la charge de travail (45%), les perpectives de carrière (41%) ou encore les relations hiérarchiques (23%). Enfin, 87% sont en désaccord avec les choix politiques et 9 enseignants sur 10 estiment qu’ils sont trop peu rémunérés.