Ce 22 août, Micheline Presle souffle ses 100 bougies, mais ne comptez pas sur l’icône de l’Âge d’Or du 7e Art pour regarder en arrière ! Cette jeune fille de presque un siècle d’âge a toujours vécu dans l’instant présent ! Rétrospective.
« Quand je me vois petite fille, à dix ans, je me retrouve complètement. J’ai l’impression – c’est difficile de dire que je n’ai pas changé (…) Et j’ai une espèce de plaisir à ça. J’aime bien cette petite fille, peut-être parce qu’elle est restée avec moi… », confiait la comédienne à Serge Toubiana dans l’émission A Voix Nue sur France Culture en 2005.
Micheline Presle, une comédienne née
Micheline Chassagne de son vrai nom voit le jour dans la capitale le 22 août 1922. Ses premières années sont placées sous le signe de l’insouciance et de la soif de culture régulièrement étanchée par ses parents.
Grâce à sa mère peintre et à son père courtier en bourse, Micheline joue, en effet, la comédie dès que l’occasion se présente. Habitant non loin du jardin du Luxembourg, elle se rend souvent au cinéma ou au music-hall avec son père et a le privilège d’assister à l’un des premiers spectacles de Joséphine Baker à Paris. L’été la famille s’installe sur la Côte normande, dans le Calvados, où la future comédienne se donne déjà en spectacle.
« C’était le jeu de la comédie qui m’intéressait. Quand on était en vacances à Blonville, les cabines de bain on les changeait en théâtre, on faisait des sièges en sable, on vendait les places avec des coquillages, on mettait les peignoirs de bain comme rideaux devant la cabine, et c’est moi qui dirigeais un peu tout ça », expliquait, toujours sur France Culture en 2005, Micheline Presle qui trouve à l’époque en son frère cadet Claude, le complice idéal.
Le divorce de ses parents marque une première rupture que l’enfant surmonte en se plongeant dans des livres de Jules Verne, de Rudyard Kipling, des bandes dessinées et des livres sur la mythologie. L’adolescence de la jeune fille est plus compliquée. Rêveuse et volontiers réfractaire, elle a du mal à se plier à la discipline de fer du pensionnait catholique où elle a été admise et se fait régulièrement tancer par la religieuse à la tête de l’établissement. « Chassagne, m’a-t-elle dit, si vous continuez, vous finirez sur les planches!’ Comme si c’était l’enfer… Je n’ai pas pu résister: ‘Mais je l’espère bien, ma mère !' », racontait-elle à L’Express en janvier 2017. La jeune fille a, en effet, trouvé sa voie: elle sera comédienne.
« J’adore faire rire. Pas pour attirer l’attention, mais pour le plaisir d’avoir les autres avec moi, d’être aimée par le rire », confiait-elle toujours à l’Express en ajoutant que son père lui répétait pourtant régulièrement: « Jamais tu ne seras actrice ! « . En 1938, le destin vient frapper à sa porte. Christian Stengel s’apprête à réaliser un film avec Charles Trenet. Convaincue par le talent de sa filleule, le parrain de Micheline décide de parler d’elle au réalisateur qui accepte de lui donner sa chance en tant que figurante dans le film Je Chante. La jeune fille est aux anges. « C’était merveilleux, j’allais tous les jours au tournage en dehors de Paris… Les vacances idéales », expliquait-elle toujours dans l’Express. Sa carrière est lancée.
Le diable au corps : la révélation
Elle joue son premier vrai rôle dans un film de Georg Pabst intitulé Jeunes Filles en Détresse mais doit se trouver un pseudonyme rapidement car son père refuse que son nom soit associé à celui d’une saltimbanque. La jeune Micheline a alors l’idée d’adopter le nom du personnage d’André Luguet dans le film et devient Micheline Presle.
Elle joue ensuite dans Paradis Perdu d’Abel Gance, un film qui la propulse au rang de star sous l’Occupation.
« J’ai vécu cette période en faisant tout pour oublier la présence de l’occupant. Avec mes proches, mes amis, nous vivions en autarcie », expliquait l’actrice à L’Express.Après s’être réfugiée à Cannes, elle revient à Paris car elle doit travailler pour subvenir à ses besoins mais aussi entretenir sa mère et son frère.
Elle joue dans La Nuit Fantastique, de Marcel L’Herbier et Félicie Nanteuil, de Marc Allégret. L’après-guerre est une période beaucoup plus légère: elle se fiance avec l’acteur Louis Jourdan avant de rompre et se voit confier des rôles de premier plan dans Falbalas et Boule de Suif.
Elle se marie avec Michel Lefort en 1945 et impose Gérard Philippe dans le film Le Diable au Corps. Si leur couple fait scandale dans le film, il marque la consécration pour Micheline Presle que les réalisateurs comme Henri-Georges Clouzot ou Max Ophuls s’arrachent.
Mais une rencontre bouleverse tous ses plans. Elle tombe follement amoureuse de Bill Marshall, le compagnon de Michèle Morgan, et l’épouse en 1949. Installée aux États-Unis, la comédienne doit momentanément mettre de côté sa carrière française et pendant 7 ans joue des rôles pour la Fox qu’elle décrit comme « sans intérêt ».
La série télé Les Saintes Chéries comme une renaissance
Au début des années 50, le moral en berne, la comédienne décide de rentrer en France et donne naissance à sa fille Tonie Marshall à Paris en 1951. Elle se sépare de Bill Marshall avec qui les relations sont tendues depuis des années et tente de se rappeler aux bons souvenirs des réalisateurs Français. Non sans difficultés! « À mon retour en France, dit-elle, on ne voulait plus de moi, et ça n’est jamais reparti comme avant », racontait-elle dans l’Express.
De guerre lasse, elle décide de remonter sur les planches et s’y épanouit avant de retrouver l’amour du public grâce à la série télévisée Les Saintes Chéries. Entre 1965 et 1970, elle interprète avec bonheur Ève, la femme de Daniel Gélin.
Les années 70 sont compliquées pour la comédienne qui connaît une phase dépressive qu’elle surmonte finalement grâce à sa nature très positive. Plus tard, Gérard Jugnot mais surtout sa fille Tonie Marshall lui confient de jolis rôles. Depuis les années 2000, la comédienne s’est faite beaucoup plus discrète. En 2007, elle publie Di(s)gressions un livre d’entretiens avec l’écrivain Stéphane Lambert sur sa carrière et s’engage en faveur de la dépénalisation de l’euthanasie.
La nostalgie, très peu pour elle !
Désormais retraitée, Micheline Presle se refuse à regarder en arrière. Si elle a eu la douleur de perdre sa fille unique Tonie Marshall en mars dernier, la comédienne bientôt centenaire fait preuve d’une grande lucidité. « Je suis très contente d’avoir vécu ce que j’ai vécu mais je ne vais pas vivre de la nostalgie de ça. Je trouve que c’est une chance que j’ai eue », confiait-elle sur France Culture en 2005. A 98 ans, elle fait partie avec la mère de Catherine Deneuve du trio des comédiennes françaises à la plus longue carrière.
Et le cinéma dans tout ça ? Micheline Presle reconnaît qu’elle s’y rend moins souvent que durant son enfance tout simplement parce qu’elle le connaît trop bien. « Le terrain est défriché, c’est comme les voyages, c’est comme les puces, tout est balisé et moi ce que j’aime, c’est découvrir! », ajoutait, toujours sur France Culture, cette incorrigible aventurière !