Face à la crise de l’énergie et aux restrictions imposées dans les écoles pour cet hiver, les parents d’élèves peuvent se demander légitimement quelles seront les conséquences sur leurs enfants et leur scolarité. Seront-ils moins concentrés en classe ? Quel est l’impact du froid sur la santé ? Est-ce que les enseignants ont un droit de retrait dans ces conditions ? Des questions que l’on a posées à deux spécialistes. Détails.
Cette année, la saison hivernale risque de laisser quelques traces dans les mémoires des adultes mais aussi des enfants. Dans les écoles, on l’a vu récemment, la crise énergétique impose aux directions de prendre des mesures pour réduire leur consommation d’énergie et respecter ainsi le plan de sobriété défendu par le gouvernement. Face à cette situation, certains parents d’élèves craignent déjà les répercussions à venir sur leurs enfants cet hiver, avec les basses températures. Tant au niveau de leur santé que de leur scolarité. Pour y voir plus clair et savoir si oui ou non il faut s’inquiéter, nous avons interrogé Charlotte Bailly, pédiatre et fondatrice de la plateforme de téléconsultation pédiatrique MedForMom, ainsi que Gilles Langlois, secrétaire national du syndicat des enseignants Unsa.
Est-ce qu’un enfant peut souffrir du froid ?
En hiver, un enfant comme un adulte peut souffrir du froid. « Quand les températures chutent, les enfants se refroidissent plus vite que les adultes, car le système interne de thermorégulation augmente avec le développement de l’enfant. Ainsi, les nourrissons et jeunes enfants ont plus de difficultés à réguler leur température que les ados et les adultes », nous explique Charlotte Bailly, pédiatre. À titre d’exemple, un nouveau-né à la naissance placé dans une pièce à 24 degrés aurait le même ressenti qu’un adulte nu exposé à une température de 1 degré.
Quels sont les risques si un enfant a froid ?
L’hypothermie, lorsqu’un enfant est incapable de réguler sa température corporelle face au froid, a des conséquences sur la santé des plus jeunes. Elles peuvent être plus ou moins sévères en fonction du degré des basses températures, et de la durée pendant laquelle l’enfant y est exposé. Cela peut être « des engelures au niveau des extrémités mains-pieds-nez-oreilles. En cas de grand froid, notre organisme privilégie la circulation sanguine des organes vitaux internes, au détriment des extrémités. Mais aussi de la peau sèche, de l’eczéma, de l’asthme etc. » Dans ce cas de figure, les enfants les plus à risques sont : les bébés prématurés ou ceux ayant petits poids, les enfants malades qui ont une régulation thermique moins efficace.
Quel est l’effet du froid sur la concentration d’un enfant ?
Le froid a aussi un impact sur la concentration et les efforts de l’enfant lorsqu’il étudie, à l’école ou à la maison. « Lutter contre le froid demande de l’énergie à nos organismes, surtout aux organismes en pleine croissance (ceux des enfants ndlr), donc cela peut diminuer l’énergie nécessaire à la mémoire et à la concentration« , assure la pédiatre.
Des études scientifiques très sérieuses se sont penchées sur la question. Le biométérologue québécois, Gilles Brien, expert sur le sujet, l’a décrypté dans son ouvrage Les baromètres humains : comment la météo nous influence. Il déclare : « La preuve scientifique absolue n’existe pas encore, mais c’est un fait reconnu dans les milieux pédagogiques que derrière les fluctuations de comportement et le niveau de compréhension des élèves se cache l’influence des conditions atmosphériques. » Il s’appuie notamment sur une étude australienne datant de 1993, qui a démontré « une grande proportion d’enfants météo-sensibles ». « Les filles seraient même deux fois à trois plus sensibles que les garçons aux changements brusques à la météo », détaille l’expert sur son blog.
Quelle température pour exercer son droit de retrait ?
Si dans les écoles et les classes les températures sont très basses, est-ce que les enseignants peuvent exercer leur droit de retrait ? « Non, le droit de retrait est une procédure d’exception qui correspond selon les termes à un danger grave et imminent. On ne peut pas considérer des températures qui seraient basses comme un danger grave et imminent. La procédure nécessite aussi d’alerter son supérieur hiérarchique, et le droit de retrait ne s’exerce que lorsqu’il y a une absence de réponse de l’autorité hiérarchique », nous apprend Gilles Langlois. Auquel cas, le personnel s’expose à des sanctions, notamment en terme de rémunération. En revanche, les enseignants ont le droit de remonter leurs plaintes auprès du chef d’établissement pour trouver ensemble des solutions. « On va sans doute avoir des cas de remontées d’informations, c’est déjà arrivé même en dehors du contexte actuel. En général, ça se gère ensuite avec les mairies », qui ont la main mise sur les systèmes de chauffage, commente le secrétaire du syndicat des enseignants Unsa.
Les cours peuvent-ils être aménagés s’il fait trop froid ?
« Pour le moment, nous n’avons pas d’information qui va dans ce sens. Il faudrait vraiment que ce soit des situations exceptionnelles. Ce sont les autorités académiques qui doivent prendre des décisions de suspension de scolarité dans les conditions qui mettraient en péril les élèves et le personnel », nous confie Gilles Langlois. Dans tous les cas, « c’est extrêmement complexe d’aménager ou réduire les emplois du temps des élèves« , rien que pour les familles qui doivent s’organiser par rapport à leur travail.
Pour l’heure, Gilles Langlois nous l’assure, les personnels de l’Education nationale sont très attentifs à ce qui se profilent pour l’hiver. Par ailleurs, « ça doit faire l’objet d’une réunion de comité hygiène santé travail au ministère cette semaine ». Des éléments sur le sujet seront donc sans doute prochainement communiqués.
Si un enfant a froid la nuit, son sommeil est-il perturbé ?
C’est bien connu, un enfant qui a froid ou chaud la nuit voit son sommeil perturbé. « Physiologiquement, des températures plus froides et plus chaudes sont contraires à une bonne qualité d’endormissement et de sommeil en général. C’est pourquoi la température recommandée dans la chambre des enfants la nuit se situe entre 18 et 20°, avec bien sûr des vêtements et couvertures adaptés à l’âge » en période hivernale, commente Charlotte Bailly.
Le froid a-t-il un impact sur la croissance de l’enfant ?
L’impact du froid sur la croissance de l’enfant n’est pas encore avéré scientifiquement. Mais la pédiatre Charlotte Bailly note tout de même qu’une corrélation entre les deux est possible dans certains cas. « C’est difficile à dire précisément mais étant donné que lutter contre le froid demande l’énergie pour nos organismes je dirais que oui s’il y a exposition au froid importante en durée et en intensité. »
Quels sont les réflexes à mettre en place en hiver ?
Pour protéger son enfant lorsque les températures chutent, il est recommandé d’éviter de sortir dehors aux moments les plus froids de la journée, notamment si l’enfant ou le bébé est malade. Les parents doivent pouvoir anticiper ces phénomènes météorologiques et habiller en conséquence leurs chérubins. Charlotte Bailly donne quelques conseils pour réchauffer au mieux son enfant en hiver :
- Couvrir les extrémités avec un bonnet, des gants, une écharpe (en laine de préférence)
- Ne pas surcouvrir non plus son enfant, car sinon la transpiration et l’humidité augmentent la sensation de froid
- Privilégiez les boissons chaudes et les soupes
- Utilisez des bouillotes (non à même la peau) pour réchauffer les extrémités
- Et « des câlins et bisous à volonté »
Merci à Charlotte Bailly et à Gilles Langlois d’avoir répondu à nos questions.