DENGUE FRANCE. La Direction générale de la Santé alerte sur une augmentation du risque de dengue en France, mais aussi de chikungunya et zika, à cause du moustique tigre. Les régions PACA et Occitanie sont directement concernées. C’est quoi la dengue ? Est-ce que ça se soigne ?
[Mise à jour le 16 septembre 2022 à 09h52] Le risque de dengue en France (métropole) augmente, informe la Direction générale de la Santé dans un courrier du 12 septembre. Depuis le mois de juillet 2022, 26 cas autochtones, correspondant à 5 épisodes de transmission dont 3 foyers importants ont été identifiés dans les régions PACA et Occitanie. Des cas sont survenus dans des départements jusque-là épargnés, comme les Pyrénées Orientales (66), la Haute-Garonne (31) et les Hautes-Pyrénées (65), et des cas groupés ont aussi été confirmés dans les Alpes-Maritimes et le Var. « D’autres cas ou foyers sont probables dans les semaines à venir sur le territoire métropolitain« prévient la DGS. Le risque de cas de dengue est maximal de mai à novembre. Selon Santé Publique France, du 1er mai au 2 septembre 2022, 139 cas importés de dengue ont été recensés en France dont 133 dans des départements avec implantation documentée d’Aedes albopictus, le fameux moustique tigre (67 en tout). Le signalement de la dengue, ainsi que du chikungunya et du Zika, est obligatoire. Quels sont les symptômes de la dengue ? Quand consulter ? Existe-t-il des traitements ? Quels sont les risques en cas de piqûres ?
« Ces dernières années, Aedes albopictus, vecteur de la dengue en Asie, s’est implanté en Amérique du Nord et en Europe, y compris en France où les 2 premiers cas autochtones ont été recensés en 2010 à Nice« informe le Professeur Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité de recherche et d’expertise « Arbovirus et Insectes vecteurs » à l’Institut Pasteur. Selon Santé Publique France, du 1er mai au 2 septembre 2022, 139 cas importés de dengue ont été recensés en France dont 133 dans des départements avec implantation documentée d’Aedes albopictus, le fameux moustique tigre. Ces cas sont surtout recensés dans le sud de la France, dans les régions Occitanie et Paca. Le risque de cas de dengue est maximal de mai à novembre.
Liste des départements avec implantation documentée d’Aedes albopictus au 1er mai 2022
Ain, Aisne, Alpes de Haute-Provence, Alpes-Maritimes, Ardèche, Ariège, Aude, Aveyron, Bas-Rhin, Bouches du Rhône, Cantal, Charente, Charente Maritime, Cher, Corrèze, Corse du Sud, Côte d’Or, Deux-Sèvres, Dordogne, Doubs, Drôme, Essonne, Gard, Gers, Gironde, Haute-Corse, Haute-Garonne, Hautes-Alpes, Hautes-Pyrénées, Haute-Savoie, Haut-Rhin, Hauts-de-Seine, Haute-Vienne, Hérault, Indre, Indre-et-loire, Isère, Jura, Landes, Loire, Loire Atlantique, Lot, Lot-et-Garonne, Lozère, Maine-et-Loire, Mayenne, Nièvre, Paris, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques, Pyrénées-Orientales, Rhône, Saône-et-Loire, Savoie, Seine-et-Marne, Seine-St-Denis, Tarn, Tarn-et-Garonne, Val-de-Marne, Var, Vaucluse, Vendée, Vienne, Yvelines, Val-d’Oise, Meurthe-et-Moselle, Loiret.
La dengue est une maladie due à un virus transmis à l’homme par les moustiques femelles du genre Aedes, principalement l’espèce Aedes aegypti. L’Aedes albopictus, plus communément appelé le moustique tigre peut aussi transmettre la dengue. Il s’agit d’une maladie très souvent bénigne. Le virus de la dengue est un arbovirus (virus transmis par des insectes) réparti en 4 sérotypes :
- DEN-1,
- DEN-2,
- DEN-3
- DEN-4.
Chez les personnes qui ont été infectées, la guérison entraîne une immunité à vie contre le sérotype à l’origine de l’infection, mais pas contre les trois autres. Un individu peut donc être infecté par chacun des quatre sérotypes de la dengue au cours de sa vie.
Le vecteur du virus de la dengue est le moustique Aedes aegypti et le moustique tigre qui vivent en milieu urbain et se reproduisent principalement dans des récipients contenant de l’eau stagnante. Chez l’Aedes aegypti, c‘est la femelle qui pique, essentiellement le jour, avec un pic d’activité tôt le matin et le soir avant le crépuscule. « L’Aedes albopictus, à activité diurne, présent en Asie s’est propagé en Amérique du Nord et en Europe. Doté d’une grande facilité d’adaptation dans les zones tempérées, il a été introduit en 2004 dans les Alpes-Maritimes, et sa zone d’implantation ne cesse de s’étendre », rappelle le Professeur Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité de recherche et d’expertise « Arbovirus et Insectes vecteurs » à l’Institut Pasteur.
La personne infectée par la dengue n’est pas contagieuse pour un autre être humain.
► Le mode de contamination est classique : le moustique se contamine en piquant une personne déjà infectée et peut ainsi transmettre le virus en piquant un autre individu quelques jours après. Une fois dans l’organisme, le virus se multiplie et persiste 3 à 10 jours. La personne infectée par la dengue n’est pas contagieuse pour un autre être humain, par contre elle peut contaminer d’autres moustiques du genre Aedes si elle est à nouveau piquée dans une période allant de 1 à 2 jours avant le début des symptômes et jusqu’à 7 jours après. Le virus peut, de manière plus rare, être transmis par la transfusion ou la greffe (d’organes ou de cellules).
La dengue est asymptomatique dans 50 à 90% des cas (pourcentage variable selon les épidémies). Les symptômes sont le plus souvent de type grippal (forte fièvre brutal, maux de tête, nausées, vomissements, douleurs articulaires et musculaires et éruption cutanée ressemblant à celle de la rougeole) se manifestant dans les 3 à 14 jours (4 à 7 jours en moyenne de période d’incubation) qui suivent la piqûre par le moustique. La phase aiguë dure environ une semaine. Le plus souvent bénigne bien qu’invalidante, la dengue classique peut toutefois se compliquer en formes hémorragiques. Une phase critique peut survenir entre le 4e et le 6e jour environ ; les signes d’alerte en sont une fièvre >39°C après le 5e jour, des douleurs abdominales importantes avec ou sans diarrhée, des vomissements incoercibles, une agitation ou une somnolence, des œdèmes des signes hémorragiques.
La durée d’incubation de la dengue va de 3 à 14 jours : 4 à 7 jours en moyenne.
La dengue touche indifféremment les nourrissons, les jeunes enfants et les adultes. Il n’y a donc pas de personnes à risque plus que d’autres. Néanmoins, les personnes vivant dans les zones de forte circulation du virus (voir ci-dessous) sont les plus exposées.
Deux milliards et demi de personnes vivent dans des zones à risque. La dengue sévit principalement dans l’ensemble de la zone intertropicale. Longtemps limitée à l’Asie du Sud-est, elle ne cesse de s’étendre à l’Océan Indien, au Pacifique Sud, aux Antilles françaises et à l’Amérique Latine, où les cas annuels rapportés ont été multipliés par 60 entre 1989 et 1993 comparativement à la période précédente (1984-1988).
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens et l’aspirine sont contre-indiqués.
Le diagnostic précoce peut être fait par la recherche de l’antigène NS1, une protéine du virus de la dengue détectée dans le sérum des personnes atteintes de dengue dès l’apparition de la fièvre ; l’identification du virus peut-être aussi réalisée précocement.
La recherche d’anticorps de type IgM, ne se positive que vers le 6 ou 7° jour de fièvre et persistent en moyenne 2 à 3 mois. D’autres examens biologiques plus sophistiqués, type PCR ou cultures virales sont réservés à la recherche ou aux laboratoires très spécialisés des centres de référence. « Le diagnostic biologique permet la déclaration de la maladie ; d’autre part, si on admet la théorie selon laquelle une deuxième infection pourrait être plus sévère, il est préférable qu’une personne sache qu’elle a déjà fait ou non un épisode de dengue, afin d’adopter des mesures préventives encore plus draconiennes », précise le Professeur Failloux.
La démarche diagnostique recommandée dans le plan ministériel » anti-dissémination du chikungunya et de la dengue » est la suivante :
- Jusqu’à 5 jours après le début des signes (J5) : RT-PCR
- Entre J5 et J7 : RT-PCR et sérologie
- Après J7 : sérologie uniquement (IgG et IgM) avec un second prélèvement de confirmation au plus tôt 10 jours après le premier prélèvement
Les prélèvements sanguins peuvent être faits par tout laboratoire d’analyses et de biologie médicale.
Il n’existe pas de traitement spécifique de la dengue. Le traitement est symptomatique, destiné à lutter contre la douleur et la fièvre. Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (ibruprofène…) et surtout l’aspirine sont contre-indiqués du fait de la thrombopénie (baisse du nombre de plaquettes) et du risque hémorragique.
Il n’existe pas de vaccin contre la dengue. La prévention repose donc sur des mesures efficaces de lutte anti vectorielle.
Selon l’ARS, pour éviter les piqûres de moustiques, il est conseillé de :
- porter des vêtements couvrants et amples, voire de les imprégner d’insecticide pour tissus ;
- utiliser un répulsif cutané, préférentiellement le matin en soirée, conseillé par un pharmacien, sur les zones de peau découvertes ;
- si nécessaire, utiliser des grillages-moustiquaires sur les ouvertures (portes et fenêtres) ;
- utiliser des moustiquaires à berceau pour les nouveau-nés ;
- utiliser les diffuseurs électriques à l’intérieur des habitations ;
- utiliser les serpentins insecticides uniquement en extérieur ;
- utiliser les climatiseurs ou les ventilateurs qui gênent les moustiques.
Pour limiter le développement des moustiques autour de son domicile, il convient de :
- vider, ranger ou éliminer tout récipient pouvant contenir de l’eau ;
- couvrir les réserves d’eau avec une moustiquaire ou du tissu afin de les rendre hermétiques ;
- nettoyer les gouttières et caniveaux ;
- éviter les dépôts sauvages de déchets.
L’infection par le virus de la dengue pendant la grossesse n’entraîne pas d’augmentation du risque de maladie ou d’aggravation de la maladie chez la mère. Le taux de malformations n’est pas augmenté, mais on observe occasionnellement des cas de fièvre dengue congénitale. Les naissances prématurées et les avortements sont possiblement plus fréquents chez les patientes atteintes de dengue. L’infection du fœtus survient avant la naissance, au cours des dernières semaines de la grossesse.
La vigilance clinique doit être maximale autour du 4e jour.
Chez les enfants de moins de 15 ans, un état de choc hypovolémique peut s’installer (refroidissement, moiteur de la peau et pouls imperceptible signalant une défaillance circulatoire) et entraîner des douleurs abdominales. Un traitement médical adapté est nécessaire pour éviter les complications et le risque de décès. Une perfusion intraveineuse doit être rapidement posée pour rétablir le volume sanguin car les hémorragies peuvent entraîner des pertes sanguines importantes.
La dengue sévère est une complication potentiellement mortelle par la survenue d’un état de choc ou de complications hémorragiques. Généralement après la recrudescence de la fièvre, l’infection repart et peut évoluer dans de rares cas (1% des cas chez les personnes présentant des symptômes de dengue) vers une dengue grave. La vigilance clinique doit être maximale autour du 4e jour. La dengue guérit en règle générale en l’espace de 2 semaines, mais la durée de la convalescence peut prendre plusieurs semaines. Les patients peuvent se sentir assez fatigués durant cette période et développer des symptômes dépressifs.
Réalisé avec le Professeur Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité de recherche et d’expertise « Arbovirus et Insectes vecteurs » à l’Institut Pasteur.