1 010 cas d’hépatites aiguës d’origine inconnue ont été rapportés chez des enfants majoritairement en Europe, notamment en France et au Royaume-Uni selon l’OMS. La piste d’une infection à un virus (Covid, adénovirus, co-infection) est possible. Bilan des cas, prise en charge et avis de notre hépatologue.
[Mis à jour le 28 juillet 2022 à 16h58] Une mystérieuse épidémie « étrange et alarmante » de « nouvelles » hépatites infantiles, de cause inconnue, a été observée depuis mars 2022 : plusieurs centaines de cas d’hépatites aiguës ont en effet été signalés chez des enfants en bonne santé. Au 26 juillet 2022, Santé publique France rapporte 9 cas possibles et 1 en cours d’investigation par les équipes médicales en France. La survenue de ces cas n’est pas inattendue et ne témoigne pas, à ce stade, d’un excès de cas en France, tient à rassurer Santé publique France. A l’international, au 8 juillet 2022, un total de 1 010 cas probables ont été rapportés par 35 pays dans cinq régions OMS, sans qu’il soit possible à l’heure actuelle, de savoir s’ils représentent un excès de cas ou s’il s’agit du nombre habituel de cas dans la plupart des pays. Dans ce contexte, Santé Publique France a mis à jour sa définition de cas d’hépatite le 23 mai 2023 afin d’améliorer sa sensibilité et être en mesure d’identifier des cas moins sévères, et donc potentiellement plus nombreux. Parmi les symptômes d’alerte qui ont été mentionnés, on retrouve : une jaunisse, des diarrhées, des vomissements et des douleurs abdominales… Alors que sait-on sur l’origine de ces hépatites ?
Combien de cas d’hépatites infantiles dans le monde ?
Les hépatites semblent davantage toucher les moins de 10 ans. Le dernier bulletin de Santé publique France (26 juillet 2022) indique :
- Au 30 juin 2022, 200 cas d’hépatite aiguë d’origine inconnue chez des enfants âgés de 16 ans ou moins ont été rapportés par 19 pays européens.
- Au 4 juillet 2022, 263 cas d’hépatite aiguë d’étiologie inconnue ont été identifiés chez des enfants âgés de 10 ans ou moins au Royaume-Uni.
- Au 8 juillet 2022, un total de 1 010 cas probables ont été rapportés par 35 pays dans cinq régions OMS, sans qu’il soit possible à l’heure actuelle, de savoir s’ils représentent un excès de cas ou s’il s’agit du nombre habituel de cas dans la plupart des pays.
Compte tenu de l’augmentation des cas signalés au cours des dernier mois et de l’amélioration des activités de recherche de cas, davantage de cas seront probablement signalés dans les prochains jours, précise l’OMS. Les États membres sont fortement encouragés à identifier, enquêter et signaler les cas potentiels correspondant à la définition de cas. Les cas répondant à la définition de cas doivent être signalés au Système européen de surveillance (TESSy) dès que possible. Les enregistrements de cas peuvent être mis à jour à mesure que d’autres résultats de test deviennent disponibles.
Combien de cas d’hépatites infantiles en France ?
Au 26 juillet 2022, 9 cas possibles ont été signalés et 1 est en cours d’investigation par les équipes médicales, en lien avec Santé publique France, indique l’autorité de santé dans son communiqué du 26 juillet 2022. « Les cas d’hépatite aiguë d’étiologie indéterminée chez l’enfant ne sont pas rares. La survenue de ces deux cas n’est pas inattendue et ne témoigne pas, à ce stade, d’un excès de cas en France. Compte tenu de la recherche active de cas qui a été lancée par les autorités sanitaires, d’autres signalements sont probablement à attendre dans les prochains jours« , poursuit l’autorité sanitaire. Il n’est pas possible, à l’heure actuelle, de savoir s’ils sont liés au signal observé au Royaume-Uni.
Définition d’un cas possible d’hépatite aiguë (mis à jour le 23 mai 2022)► Enfant âgé de moins de 18 ans, se présentant pour une hépatite aiguë avec cytolyse (ASAT et/ou ALAT) > 500 UI/L, depuis le 1er janvier 2022, pour lequel est retrouvé :
OU
– D’une hépatotoxicité liée à un médicament recensé sur le site international » LiverTox « : https://www.ncbi.nlm.nih.gov/books/NBK547852/ ; – D’une infection par un virus classiquement responsable d’hépatite aiguë : VHA, VHB, VHC, VHD, VHE, HSV ; – D’une hépatopathie (déficit en a1AT, maladie de Wilson, hépatite auto-immune, cholestase intrahépatique familiale progressive), d’une maladie métabolique, d’une leucémie aiguë, d’un foie de choc, d’une hépatite hypoxique (anoxo-ischémie néonatale notamment), d’une cause traumatique |
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Ces cas d’hépatite sont-ils graves ?
« Il s’agit d’un phénomène grave [qui touche] des enfants en bonne santé« , a insisté Deirdre Kelly, hépatologue pédiatrique au Birmingham Children’s Hospital au Royaume-Uni, cité par la revue Science. Parmi tous les cas recensés, 17 enfants ont eu besoin d’une transplantation hépatique. Au moins un décès a été déclaré.
« L’adénovirus ou le virus du Covid ne sont pas des virus connus pour attaquer les cellules du foie et engendrer des vraies hépatites »
Quelles sont les causes possibles de ces hépatites aiguës chez l’enfant ?
Les virus de l’hépatite (A, B, C, E et D, le cas échéant) ont été exclus après des tests de laboratoire tandis que d’autres enquêtes sont en cours pour comprendre l’étiologie de ces cas, indique l’OMS. Aucun autre facteur de risque épidémiologique n’a été identifié à ce jour, y compris les voyages internationaux récents. « L’augmentation est inattendue et les causes habituelles ont été exclues« , indiquait le Bureau régional de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) pour l’Europe dans un communiqué du 15 avril 2022. « Les premières enquêtes épidémiologiques sur des cas au Royaume-Uni basées sur des questionnaires de chalutage n’ont pas permis d’identifier une exposition commune notable (y compris des aliments, des médicaments ou des toxines) », indiquait de son côté le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC), le 28 avril 2022. Sur la base de ces enquêtes, l’hypothèse principale actuelle est qu’un cofacteur affectant les jeunes enfants ayant une infection à adénovirus, qui serait bénigne dans des circonstances normales, déclenche une infection plus grave ou du foie. D’autres agents infectieux ou toxiques (par exemple le Covid) sont toujours à l’étude et n’ont pas été exclues mais sont considérées comme moins plausibles. « Les hépatites d’origine indéterminée, ça existe toujours. Même si on réalise tous les examens et qu’on balaye toutes les causes connues, il reste toujours des cas inexpliqués. Mais il faut bien éliminer les causes les plus importantes, pour trouver un traitement et pour garantir un bon pronostic vital« , nous confiait le Pr Patrick Marcellin, hépatologue, que nous avions interviewé le 22 avril 2022.
La moitié des enfants atteints d’hépatite au Royaume-Uni ont été testés positifs à l’adénovirus
Selon l’OMS, ces cas d’hépatite seraient plutôt liés à un adénovirus (en Angleterre et en Ecosse, respectivement 75,5% et 50% des cas ont été testés positifs à l’adénovirus), une famille de virus qui ne provoque habituellement qu’un gros rhume. Un dépassement statistique par rapport aux tests positifs des années précédentes, selon le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC). « Bien que l’adénovirus soit actuellement une hypothèse comme cause sous-jacente, il n’explique pas entièrement la gravité du tableau clinique. L’infection par l’adénovirus de type 41, le type d’adénovirus impliqué, n’a pas été précédemment liée à une telle présentation clinique. Les adénovirus sont des agents pathogènes courants qui provoquent généralement des infections spontanément résolutives. Ils se propagent d’une personne à l’autre et provoquent le plus souvent des maladies respiratoires« , indique l’OMS. En effet, la moitié des enfants atteints d’hépatite au Royaume-Uni ont été testés positifs à ce virus, de même que tous les cas repérés en Alabama. Le Royaume-Uni, où la majorité des cas ont été signalés à ce jour, a récemment observé une augmentation significative des infections à adénovirus dans la communauté (notamment détectées dans les échantillons fécaux chez les enfants) suite à de faibles niveaux de circulation au début de la pandémie de COVID-19. Les Pays-Bas ont également signalé une augmentation simultanée de la circulation communautaire des adénovirus. L’OMS recommande que des analyses de sang (avec une expérience anecdotique initiale indiquant que le sang total est plus sensible que le sérum), de sérum, d’urine, de selles et d’échantillons respiratoires, ainsi que des échantillons de biopsie du foie (lorsqu’ils sont disponibles) soient entrepris, avec une caractérisation plus poussée du virus, y compris séquençage. D’autres causes infectieuses et non infectieuses doivent faire l’objet d’une enquête approfondie.
Le Covid à l’origine de ces hépatites ?
Le Sars-CoV-2, virus responsable du Covid, a également été détecté chez plusieurs enfants (au moins dans 20 cas parmi les enfants testés). Toutefois, ce n’est qu’une hypothèse : « les preuves sont trop minces pour résoudre le mystère« , indiquent chercheurs et médecins. « L’adénovirus ou le virus du Covid sont des virus qui peuvent donner une petite élévation des transaminases, reflétant l’impact de l’infection virale. En revanche, ce ne sont pas des virus connus pour attaquer les cellules du foie et engendrer des vraies hépatites« , détaille le Pr Patrick Marcellin, hépatologue, interviewé par le Journal des Femmes Santé le 22 avril 2022. En effet, le syndrome clinique parmi les cas identifiés est une hépatite aiguë (inflammation du foie) avec des enzymes hépatiques nettement élevées (aspartate transaminase (AST) ou alanine aminotransaminase (ALT) supérieurs à 500 UI/L). De nombreux cas ont signalé des symptômes gastro-intestinaux, notamment des douleurs abdominales, de la diarrhée et des vomissements précédant la présentation d’une hépatite aiguë sévère et une jaunisse. La plupart des cas n’avaient pas de fièvre. Une caractérisation génétique des virus doit être entreprise pour déterminer toute association potentielle entre les cas. Cette épidémie d’hépatites fait à ce jour toujours l’objet d’une enquête active.
Une co-infection adénovirus et Covid à l’origine de ces hépatites ?
La piste d’une co-infection adénovirus et Covid a également été mise en avant par l’OMS. Parmi les cas d’hépatite aiguë recensées, 19 ont été détectés avec une co-infection par le SRAS-CoV-2 et l’adénovirus, souligne l’OMS dans son rapport.
Quelle prise en charge pour une hépatite infantile ?
Selon la conduite à tenir élaborée par Santé publique France (mis à jour le 23 mai 2022), toute hépatite aiguë avec ASAT et/ou ALAT > 500 UI/L chez un enfant doit conduire à la réalisation d’un bilan étiologique de 1ère intention complet, à la recherche d’une étiologie, en particulier infectieuse, toxique, immuno-hématologique, auto-immune, métabolique, vasculaire ou d’une hépatopathie chronique. Aucune hypothèse ne doit être écartée d’emblée. Ce bilan étiologique doit notamment reposer sur des prélèvements sanguins, respiratoires, urinaires, de selles et issus d’une biopsie hépatique (idéalement). L’ensemble de ces prélèvements doivent être conservés dans des conditions optimales pour des recherches ultérieures, en particulier métagénomique. A l’issue du 1er bilan étiologique :
- Si la recherche d’adénovirus et/ou de SARS-CoV-2 est POSITIVE (quel que soit le prélèvement) ET qu’AUCUNE autre étiologie n’est retrouvée, le cas est considéré comme possible et doit donner lieu à un signalement à Santé publique France. Les prélèvements doivent être transmis pour analyse métagénomique.
- Si la recherche d’adénovirus et/ou de SARS-CoV-2 sur les prélèvements respiratoires et/ou de selles est POSITIVE ET qu’UNE autre étiologie est retrouvée (ou fortement suspectée), le cas est considéré comme possible et doit donner lieu à un signalement à Santé publique France. Dans ce cas de figure, il est demandé, dans la mesure du possible, de réaliser une recherche complémentaire de ce ou ces virus sur sang total (tube EDTA, sur un prélèvement antérieur si le cas est déclaré de façon rétrospective) si non réalisée. Des prélèvements doivent également être conservés jusqu’à validation du cas par un groupe multi-disciplinaire, pour éventuelle analyse métagénomique.
- Si la recherche d’adénovirus et de SARS-CoV-2 est NEGATIVE (quel que soit le prélèvement) ET qu’AUCUNE autre étiologie n’est retrouvée, le cas est considéré comme possible et doit donner lieu à un signalement à Santé publique France. Les prélèvements doivent être transmis pour analyse métagénomique.
- Si la recherche d’adénovirus et de SARS-CoV-2 sur les prélèvements respiratoires, de selles et si possible sanguins est NEGATIVE ET qu’UNE autre étiologie est retrouvée (ou fortement suspectée), le cas est exclu et ne donne pas lieu à un signalement.

Peut-on voyager malgré ces cas d’hépatites ?
Oui. Dans son communiqué du 15 avril 2022, l’OMS ne recommande aucune restriction sur les voyages et/ou le commerce, notamment avec le Royaume-Uni, ou tout autre pays où des cas sont identifiés, sur la base des informations actuellement disponibles.
Quelle prévention pour éviter une hépatite ?
L’exposition féco-orale à des virus tels que les adénovirus est plus probable chez les jeunes enfants, indique le Centre européen de contrôle et de prévention des maladies (ECDC). « Nous recommandons donc de renforcer les bonnes pratiques générales d’hygiène (y compris l’hygiène soigneuse des mains, le nettoyage et la désinfection des surfaces) dans les milieux fréquentés par de jeunes enfants »
Sources : Acute hepatitis of unknown aetiology – the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland, OMS, 15 avril 2022 / Mysterious hepatitis outbreak sickens young children in Europe as CDC probes cases in Alabama, Science, 15 avril 2022